Jérémie Renier : quoi de neuf docteur

Pourquoi avez-vous eu envie d’interpréter ce rôle de pneumologue aguerri en proie au doute le jour où sa mère est hospitalisée ?

Jérémie Renier : J’ai lu le scénario que j’ai trouvé très beau, malgré la dureté du sujet. Je trouvais qu’il en émanait une sorte de lumière, cela m’a touché. Et j’ai appris que c’était d’une certaine manière ce que le réalisateur avait vécu. Le choix d’un film, ça se fait en plusieurs temps. Qu’est-ce qui se passe dans notre propre vie? D’où on vient? Qu’est-ce qu’on a joué avant? Et ça tombait bien. Je trouvais la relation entre ce fils et cette mère très belle. Je n’ai pas perdu mes parents, mais voilà, me projeter, me dire que c’était quelque chose que je pouvais vivre, ça m’a énormément touché.

Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle ?
Un des frères du réalisateur est justement pneumologue et a en partie inspiré l’histoire. J’ai pu le suivre à l’hôpital. J’ai eu l’opportunité d’observer les médecins, de sentir cette tension. Ça reste quelque chose de très simple parce qu’ils prennent une certaine distance pour ne pas être pris à la gorge par l’émotion. Et même, ils peuvent être froids, parce qu’ils se protègent de la mort.

Qu’est-ce qui vous a marqué en investissant cet hôpital ?
Que c’est un taf de fou. Presque du 24 heures sur 24. Ils sont totalement au service de l’autre. Nous, en tant qu’acteurs, on est quand même beaucoup au service de nous-mêmes. Même si, à travers notre art et notre personnage, on propose quelque chose qui peut toucher les gens, ça reste malgré tout assez égocentrique. Alors que la médecine, c’est en permanence tourné vers l’autre. Forcément, c’est une leçon.

Les médecins sont tous très pris par leur métier. En cela, c’est quelque part comparable au métier d’acteur…
Oui, c’est commun à beaucoup de métiers, mais là, c’est tellement noble : on sauve des vies! Ce n’est pas comme quand on dit : « Je suis allé tourner trois films aux États-Unis, donc je ne m’occupe pas de ma famille ». Là on peut se plonger dans son travail en se disant : « Si je ne suis pas là, il y a des gens qui meurent ».

Alors que si vous n’êtes pas là, vous…
C’est que je suis ailleurs. Ce n’est pas très grave.

Vous retrouver au Festival des Arcs peut rappeler Possessions, où vous jouiez le tueur de la famille Flactif. On repense au film et on se dit : il va m’embarquer dans un chalet et…
… il va m’assassiner (rires). Non. Mais c’est toujours particulier, la montagne, c’est comme tourner à la mer ou dans le désert. Quand le décor est aussi fort, aussi puissant, c’est très immersif, tout en étant un peu épuisant quelquefois, tellement ça prend le pas sur vous.

Quelle importance le cinéma européen a-t-il pour vous ?
J’adore! J’adore pouvoir découvrir des metteurs en scène qui viennent de pays où le cinéma est plus difficile à monter. Il y a une forme d’accessibilité au cinéma de tous pays qui est à la fois riche et excitante, et qui en même temps peut faire peur, tellement il y a de choix.

Quel genre de spectateur êtes-vous ?
Très éclectique. J’aime énormément de choses. Je suis très curieux. Je peux aller voir des films qui au départ ne m’intéressaient pas du tout pour voir si vraiment ça vaut le coup. J’aime être embarqué, être touché, j’aime quand un film me procure une émotion, me raconte quelque chose que je ne connaissais pas, m’emmène dans une culture, un site. Le cinéma véhicule plein de choses, comme l’art en général, mais il a la faculté d’en même temps nous faire rêver, nous déplacer dans le temps, d’une ville à l’autre, nous amuser ou nous placer face à un sujet ou une expérience qui nous remet en question. Il y a plein de voies possibles au cinéma. Le plaisir est une chose, mais l’art est là aussi pour nous apporter d’autres plaisirs.

En tant qu’acteur, comment expliquez-vous votre boulimie de films ?
Boulimie, non! Je peux donner cette impression parce que je suis dans le métier depuis longtemps, que j’ai commencé très jeune et que les choses ont continué. Pourtant, je fais attention à ne pas faire trop de choses, à effectuer de vrais choix artistiques, humains. Mais j’aime découvrir, aller vers d’ autres propositions de cinéma, c’est quelque chose qui me plaît. J’ai du mal à rester au même endroit.

Pourquoi vous voit-on surtout dans des films d’auteur ?
C’est quelque chose que je n’ai pas calculé. Oui, je viens d’un cinéma plutôt « auteur », même si ce terme est un peu galvaudé. Un cinéma qui se dit plus en conscience avec ce qui l’entoure, ou qui veut véhiculer un message, et de là, j’ai conscience de ramener un peu plus que ma face devant une caméra. De pouvoir faire passer, grâce à un film, des idées ou des ressentis qui sont susceptibles de faire évoluer une personne ou deux. C’est le cas avec ce genre de films, alors que d’autres films plus populaires empruntent des chemins différents.

De quoi rêviez-vous quand vous étiez enfant ?
Je rêvais de ça très jeune, je ne sais pas d’où c’est venu. Mais j’étais surtout curieux de savoir comment ça se passait derrière une caméra.

De quoi rêvez-vous maintenant ?

De plein de choses. J’aime me diversifier. J’aime le cinéma, mais j’aime aussi l’écriture, ouvrir des portes que je n’ai jamais encore ouvertes. Je me rends compte que plus j’en ouvre, plus c’est exaltant.

Êtes-vous tenté par une carrière hollywoodienne ?
Ça doit être marrant, mais si je ne faisais que ça, je me ferais chier. De la même manière, si je ne faisais que les films des frères Dardenne, ça finirait par m’emmerder. La diversité et essayer d’autres univers, c’est vraiment ça qui me plaît.

Est-ce qu’on vous a déjà confondu avec quelqu’un dans la rue ?
Bien sûr! Guillaume Canet, Benoît Magimel, des gens de ma génération. Ah si, ça c’était à New York, mon fils était très fier d’ailleurs, on m’a confondu avec Conor McGregor, le mec de MMA (mixed martial arts).

Pour terminer, quelles sont vos bonnes résolutions pour 2019 ?
D’être heureux. C’est con, mais c’est bien de se le rappeler._

 


L’Ordre des médecins, de David Roux, avec Jérémie Renier, Marthe Keller et Zita Hanrot.

Drame.

Sortie le 23 janvier.

Les Arcs Film Festival, à retrouver mi-décembre 2019. www.lesarcs-filmfest.com


Propos recueillis par : Fabien Menguy


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